325 000 personnes pour cette "marche blanche silencieuse". L'interminable cortège, de tout un peuple en colère, a marqué la journée de dimanche en Belgique. Ecoeurés par les différentes affaires qui éclaboussent depuis plusieurs semaines leurs institutions et humilient leur peuple, plus de 300 000 belges ont manifesté hier avec une grande solennité. Portant tous un vêtement ou un objet blanc, signe de pureté et d'innocence, les participants ont défilé toute la journée à Bruxelles, offrant dignement un dernier hommage aux victimes du pédophile Marc Dutroux.

Justice incompétente, crainte de voir enterrer les dossiers judiciaires trop brûlants, rejet global des politiques, les belges semblaient mener hier une vraie révolution. Le nombre impressionnant des manifestants, sur un pays qui compte 10 millions d'habitants, et la solidarité de toute la population en ont fait l'événement le plus marquant de la vie politique et sociale belge de ces dernières années. Flamands, Wallons, jeunes, vieux, communautés immigrés, tous dans un même ensemble ont décidé qu'il fallait refuser cette dérive actuelle. Aucun parti politique, syndical ou étudiant n'a teinté ce mouvement. Les familles étaient là, simplement, pour offrir leur soutien. Le cortège, colossal, a du être divisé en plusieurs branches. La marche était lente et pleine de respect. Le soir, seulement, quelques uns, parmi les plus remontés ont lancé des pierres contre le Palais de Justice de Bruxelles.

Le Premier ministre, Jean-Luc Dehaene, a reçu les parents des victimes du pédophile dans l'après-midi. La Constitution du pays sera modifiée, a-t-il promis, afin de revoir le système actuel de promotion des magistrats. Il a assuré que "l'enquête serait menée jusqu'au bout" et évoqué la création prochaine d'un centre de regroupement de toutes les informations relatives aux disparitions d'enfants. Sous les feux de tous les regards depuis quelques mois, voire depuis des années, la justice belge est désormais remise en question par toute la population. Face à une telle mobilisation, le gouvernement ne peut plus reculer. La Belgique, traumatisée, attend maintenant un véritable changement.